Le deuil de l’enfant parfait

Il y a des sujets plus difficiles que d’autres à écrire. Ceux dont on doit se souvenir des moindres détails pour arriver à y mettre des mots justes. Celui-ci fait certainement parti de mon top 10 des journées les plus pourries de ma vie. Celui du diagnostic. Celui du 09 juin 2016 & si vous me suivez sur mon compte Instagram depuis mes débuts, vous n’avez certainement pas loupé la nouvelle, l’année dernière.

Il y a quelques semaines je vous faisais écho d’un sujet tout aussi mélancolique. Je vous révélais les doux secrets d’une autre épreuve difficile, avec mon conjoint. Cet enfant qui aurait dû naître début juin 2016. Et bien comme si la malédiction n’avait pas fini de s’acharner sur nous, durant cette même période, nous avons eu l’échographie du second trimestre. J’étais enceinte de 5 mois & demie, je vivais une grossesse tout à fait normale, malgré une sciatique depuis mon premier trimestre..

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Nous connaissions les risques.

Nous savions d’avance qu’il y avait des risques que nous ayons un enfant atteint d’une malformation du pied. Mon petit frère étant né il y a 22 ans avec un pied bot varus équin unilatéral au pied droit. La nièce de mon chéri, quant à elle, est née avec un pied bot varus bilatéral & le frère de mon arrière grand-mère est également né avec un pied bot varus bilatéral. Nous étions donc prêts, non sans l’être réellement. Du moins.. c’est ce que nous pensions.

Le 09 juin 2016 au matin, je me souviens m’être réveillée avec une boule énorme dans le ventre & dans la gorge. La nuit avait été rythmé par de nombreux réveils agités. Nous nous sommes rendu à notre rendez-vous dans un silence de plomb. L’attente fut interminable.. il y avait énormément de retard ce jour-là.

Je me revois m’allonger sur le siège qui trônait au milieu de cette pièce, il était froid & dur. Ce souvenir fait remonter mes vilains démons à la surface. Je soulève mon tee-shirt & l’échographiste qui se trouvait dans la même pièce, s’apprêtait à nous faire l’échographie. Il a d’abord regardé le coeur, puis la tête etc… tout allait très bien ! Il fallait bien que nous lui parlions de cette malformation qui était dans nos deux familles. Un peu comme une épée de Damoclès qui se tenait au-dessus de nos têtes sans qu’on ne puisse rien y faire. Alors il s’est mis à vérifier, durant de très longues minutes puisque le p’tit panda n’était pas très coopératif. 40 minutes se sont écoulées. 40 minutes de silence. 40 minutes de lourdeur.. 40 minutes de stress. 40 minutes à attendre. C’est alors qu’il nous a dit d’une telle violence « ha oui effectivement il a un pied bot varus équin unilatéral au pied gauche assez prononcé, je ne l’avais pas vu ». Le monde s’écroulait autour de moi. Je m’effondrais au fond de mon coeur. Les larmes coulaient sans que je ne puisse les contrôler.. les lourds souvenirs qui avaient bordé mon enfance se mélangaient dans ma tête… C’est à ce moment-là que mon envie de vouloir connaître le sexe a été confirmé. Je voulais savoir si c’était ma petite fille ou mon petit garçon qui allait devoir subir tout ce que mon frère avait subi étant petit. Il nous a d’abord dit que c’était une petite fille…. Et puis finalement non.. c’était un garçon. Mon coeur de maman continuait de s’effondrer, même après cette nouvelle. Même après ce bonheur qui m’avait été volé. J’avais envie de partir de cette pièce. D’être seule. Juste moi & ma culpabilité. Cette culpabilité violente qui me frappait en plein visage, celle qui me rappellait que je n’étais pas une bonne mère puisque j’avais mal fabriqué mon bébé. Mes mots sont violents mais mes maux l’étaient encore plus. Sans vraiment que nous comprenions quoi que ce soit je me souviens le voir appeller le gynécologue qui me suivait pour nous transférer dans un autre hôpital… Dans la pièce raisonnaient les mots comme Necker, opération…  J’étais tétanisée sur mon siège. Je voulais partir. Et puis je fixais l’écran sur lequel on pouvait apercevoir mon bébé. Mon petit garçon qui n’avait rien demandé à personne. Je le fixais sans le lâcher.. comme si j’attendais qu’on me dise que ce n’était pas le bon écran, que ce n’était pas le bon bébé que je voyais là devant moi.. Le rendez vous à duré une bonne heure & demie. Il nous a donnait le nom d’un spécialiste à voir quelques semaines plus tard pour confirmer le diagnostic.

C’était fini. Je me changeais dans le vestiaire dans un silence glacial quand mon homme m’y a rejoint. Je m’écroulais dans ses bras tout en m’excusant de tout cela. Mon bébé ne sera pas parfait.. j’étais rouge écarlate, n’osant presque pas retourner voir la secrétaire pour régler l’échographie. Mon homme s’y était rendu à ma place pendant que je sortais sans un mot, sans au revoir à qui que ce soit. Je retournais à ma voiture. Les larmes ne cessant de couler. Nous sommes le 09 juin 2016, c’était l’anniversaire de ma maman….. Et mon bébé ne sera pas parfait. 

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Et puis, il y a eu les doutes.

Alors évidemment vous allez me dire qu’il y a pire.. {mais il y a toujours pire} que nos enfants sont parfaits à nos yeux, qu’ils soient atteint de n’importe quel handicap physique ou mental. Que parfois on doit intérompre des grossesses à des stades avancés. Oui je suis d’accord & les jours qui ont suivi m’ont fait relativiser. Mais sur le coup on a envie d’être égoïste & de ne pensais qu’à notre malheur. Je vous assure qu’il faut faire un deuil. Le deuil de lui offrir une enfance normale. Celui de lui permettre d’avoir un rythme & des habitudes communes à tous les autres enfants de son âge. 

Quelques jours plus tard je me renseignais sur des professeurs à suivre, des examens à faire.. qu’elles seraient les procédures à la naissance.. Je me souviens avoir été agréablement surprise de voir que depuis 22 ans les procédures avaient énormément évolué. Mon frère qui avait été allonger sur une table pendant plusieurs mois, avec une machine qui lui faisait faire de la kiné 24h sur 24h, était bien loin derrière. Ma mère avait dû abandonner l’idée d’allaiter. Il a eu 3 grosses opérations. Bref jusqu’à l’âge de 10 ans j’ai jonglé entre la maison & l’hôpital. Nous habitions Nice, puis Nîmes & Lyon tandis que mon frère était suivi à Montpellier. Je n’ai donc pas du tout un bon souvenir de cette période. Bien que ma mère ai géré comme un chef.

Les mois passaient & je rencontrais de merveilleuses personnes, sur Facebook, dans des groupes de soutien ou sur instagram; qui se trouvaient dans la même situation que moi.
Le rendez-vous tant attendu arrivait, j’avais mal au ventre & pourtant j’étais rempli d’espoir. Espérant sans relâche à une erreur.. mon bébé n’avait peut être rien.
Je nous vois rentrer dans cette salle avec cette femme, qui en avait déjà tellement marre d’être là. Nous parlant nonchalamment. Me demandant de m’installer sans même un bonjour ni un regard. Elle a posé la sonde sur mon ventre & en une minute trente nous a sorti que « ce bébé n’avait rien » & me demandant de manière très cru la raison pour laquelle je m’étais rendu à son cabinet.. Nous sommes aussitôt sorti de l’examen. Mon conjoint n’y croyait pas & puis moi, dans un coin de ma tête, j’espèrais.. on ne comprenait plus rien. Dans la foulée nous avons vu le gynécologue. Je me souviens qu’il nous disais qu’on voyait très clairement le pied bot varus équin unilatéral aux échos… & que de toute manière nous ne serions fixé qu’à la naissance. Je pense n’avoir jamais été aussi désespérée qu’à cette période-ci de ma vie.

Entre-temps, mon conjoint qui est pompier de Paris, a demandé à partir dans les services, parce que si notre enfant était réellement atteint de cette malformation, il me fallait de l’aide quant à prendre la relève le soir, pour me soulager de ce traitement, qui a mes yeux, était lourd. J’ai repoussé d’une année mon inscription au concours d’auxiliaire de puériculture, en vue de pouvoir m’occuper de lui. 

À la troisième échographie nous n’avions même pas pris la peine de demander à regarder son petit pied. Puisque de toute manière, le pied en question n’était absolument pas dans le champ de vision.

Nous avons attendu la naissance avec angoisse.

Le lundi 03 octobre 2016 au matin c’était le grand jour. Je vous ai raconté ici le déroulement de mon accouchement. Après 9 poussées, est arrivé le moment où l’on me posait mon fils sur moi. Le bonheur nous a envahi.. je ne pensais à rien d’autre qu’à ce pur bonheur qui était là juste devant moi.. pourtant je l’ai vu ausculter notre petit garçon dans les moindres détails, puis plongeait son regard dans le mien & me disant « qu’il n’avait rien ». C’est à ce moment là, que j’ai compris que dans son silence durant 4 mois, se trouvait en réalité une réelle souffrance & une angoisse qui n’avait pas de mots. Dans la salle d’accouchement personne ne comprenait ce qu’il se passait. Tout le personnel est restait stupéfait. Il était effectivement très rare de diagnostiquer un cas comme celui-ci & de ne finalement rien trouver à la naissance.

Aujourd’hui mon fils a 4 mois & demi, & son petit pied rentre légèrement vers l’intérieur. Nous allons commencer les séances de kiné tout en douceur. Quant au papa, toujours bloqué dans les services bien qu’il y cherche le positif est toujours bouffé par des gros problèmes de peau du au choc du diagnostic dont il n’arrive toujours pas à se remettre.

J’avais écrit un post sur mon Instagram, au moment du diagnostic sur ce qu’est réellement, aujourd’hui cette malformation & comment elle est soignée bien qu’à l’époque de mon frère ce ne soit pas du tout cela qui se soit passé.

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❝ Pour celles qui me demandent qu’elle est la malformation de mon chaton je vous l’explique en quelques lignes. Malformation que je connais très bien, (puisque mon petit frère est atteint de la même chose) donc je ne souhaite absolument pas susciter de la pitié. Nous aurions pu trouver une anomalie beaucoup plus grave, il en existe malheureusement. & nous sommes très heureux donc love love love (l) Le pied-bot varus equin touche un enfant pour 1000 naissances. Il s’agit d’un pied tourné vers l’intérieur (varus) & toujours un peu en extension avec la pointe du pied « étirée » vers le bas (équin). Notre évolution nous a permis de mieux comprendre l’anatomie du pied & surtout son développement pendant la grossesse. Au cours des 3 premiers mois de grossesse, tous les bébés {ou fœtus} ont en quelque sorte des « pieds-bots », repliés vers l’intérieur, puis les pieds se redressent au cours de la grossesse. Mais dans certains cas, cette évolution est freinée par des muscles & un tendon d’Achille trop courts ce qui ne permet pas au pied de s’étendre comme il faut. De ce fait, c’est la technique Ponseti qui va être pratiquée pour mon loulou, il s’agit d’un traitement correctif du pied-bot qui consiste à appliquer un plâtre qui remonte jusqu’à la cuisse à 2-3 jours de vie qu’il portera durant les premiers mois {en le changeant toutes les semaines} puis le port de coques/attelles {nuit & jours} qui seront changés régulièrement, pour obtenir un alignement quasi normal des os & des muscles du pied au fil des années. {Plus le petit avancera dans l’âge & plus les attelles ne seront portées que la nuit}. Malgré tout, l’opération reste encore assez fréquente au cours de la croissance, à 2 mois & demi de vie, lorsque la cheville est en quelque sorte trop raide. L’intervention consiste à couper le tendon par une petite incision à l’arrière de la jambe. Des séances de kiné sont obligatoires en parallèle du traitement, notamment le matin & le soir, & ce tous les jours de la semaine. Qui au fil des années va s’espacer pour n’avoir qu’1 ou 2 séances par semaine. Évidemment chaque cas est unique. Mon petit loup n’aura peut-être pas besoin d’autant de rééducation. Voilà ❞

16 réponses à “Le deuil de l’enfant parfait”

  1. Je ne connaissais pas cette pathologie, mais j’imagine l’angoisse que tu as pu vivre. Découvrir que son enfant ne sera pas parfait, pas comme les autres, pas comme on l’avait imaginé, doit être dur et tu n’as pas du tout à t’excuser d’avoir du faire ce « deuil » à un moment donné. Oui, c’est une situation dont on peut se relever, mais oui, aussi, c’est un choc à encaisser, sur le moment, et pour imaginer la vie de son enfant. Heureusement que votre garçon va bien et qu’il n’a qu’une légère atteinte, mais j’imagine effectivement les mois de doutes et de tristesse que vous avez du vivre, toi et ton conjoint!

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    • C’est surtout que ça a tout remit en question dans l’organisation, mon homme est parti du terrain et moi j’ai tout retardé.. alors on est très heureux de l’avoir fait pour notre fils mais bon… Merci ma belle 😘😘

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  2. Coucou ma jolie, j’ai lu avec beaucoup d’attention ton article. Je ne connaissais pas du tout cette pathologie et je comprends que tu aies eu peur, des moments de doute.
    On imagine souvent comment sera votre enfant lorsque l’on est enceinte et on fait tous plus ou moins ce deuil car ça ne se passe jamais comme on l’avait espéré, encore plus dans ton cas.
    Tu sais mon fils fait partie de ceux qui ne sont pas dans la moyenne, font les progrès en retard….je dois même aller dans un service de neuropédiatrie très bientôt…il n’est pas parfait et n’avance pas comme les autres.
    J’espère que pour ton loulou la rééducation se passera bien.
    je t’embrasse.

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    • Ne tqt pas ma beauté je suis certaine que tout ira bien ! Dis toi que j’ai marché à 9 mois tandis que mon papa a marché à 18 mois. Chacun son rythme 😘😘 je suis certaine que ton petit loup développera quelque chose beaucoup plus vite que les autres, comme la parole par exemple ! Je te fais plein de gros bisous ma jolie ❤

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  3. J’avais entendu parler de cette pathologie mais sans jamais trop savoir ce que c’était.
    Cet article est très à fleur de peau, on arrive vraiment à comprendre ce que tu as pu vivre sans le ressentir évidemment mais tes émotions sont palpables. J’espère que la kiné va faire du bien a ton loulou. 😘

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    • Merci beaucoup ma jolie. Effectivement c’est une période de ma vie très sensible. En revanche j’y ai trouvé un réel soutien auprès de personnes dans la même situation que moi. Ça fait un bien fou d’en parler en tout cas 💜

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